Constat d’achat par huissier

« La contrefaçon peut être prouvée par tout moyen ». C’est ainsi que débute l’article L716-7 du code de la Propriété Intellectuelle. Aussi, est-il possible pour prouver une contrefaçon, sans passer par la procédure coûteuse de saisie-contrefaçon de faire constater par un huissier de Justice la mise en vente dans un lieu, des produits argués de contrefaçon : c’est le constat d’achat par huissier.

Le constat d’achat par huissier de Justice est une procédure simple, relativement peu onéreuse, acceptée par la jurisprudence depuis de nombreuses années  (voir par exemple CA Paris, 25 octobre 1993, Union Franco-Chinoise/Kodak, Jurisdata : 1993-024434 ; Cass. Soc. 18 mars 2008, pourvoi n° 06-40.852), mais ce type de constat nécessite toutefois le respect d’un certain nombre de précautions.

Un récent arrêt du 25 janvier 2017 de la Cour de Cassation vient d’apporter des précisions sur cette matière, ce qui nous donne l’occasion de faire un rapide tour d’horizon de la matière.

Tout d’abord, voyons ce que l’on peut constater et ce que l’on ne peut pas constater :

Le constat d’achat par un huissier de Justice ne peut se substituer à une procédure de saisie-contrefaçon. En effet, la jurisprudence n’admet pas que le Procès-Verbal de constat contienne une description détaillée des biens acquis. Cela reviendrait à faire une saisie description et amènerait donc à obtenir, sans passer par la voie judiciaire de l’ordonnance sur requête, les mêmes résultats qu’une saisie contrefaçon. L’huissier de Justice doit donc constater simplement l’acte d’achat, le photographier et mettre sous scellés le bien, à charge pour un Conseil en Propriété Intellectuelle si besoin, d’apporter son expertise au tribunal.  ( CA Versailles, 28 avril 2011, Juris-data : 2011-009652)

Qui peut acheter pendant le constat d’achat ?

L’huissier de Justice n’a pas le droit d’acheter par lui même les biens argués de contrefaçon. En effet, l’huissier de Justice doit se borner à effectuer des constatations matérielles objectives. De même, l’acte d’achat s’effectuant dans un lieu privé, il ne peut y pénétrer sans accord de l’occupant (ou sur autorisation judiciaire).
Toutefois, il nous semble que serait valable un achat effectué par un huissier qui annoncerait clairement et sans ambiguïté sa qualité et l’objet de sa mission, et recueillerait l’accord du commerçant…  ce qui s’avère compliqué, pour ne pas à dire impossible, à mettre en oeuvre, en dehors de la vie 2.0 (voir plus loin, le cas spécial du constat sur Internet)
Aussi, la pratique s’est  développée de faire appel à un tiers pour procéder à l’achat. Encore faut-il que le tiers soit indépendant des parties. C’est ainsi que l’arrêt du 25 janvier 2017 précité a rejeté la validité d’un constat d’achat par huissier, car violant les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 et 199 du Code de procédure civile, ensemble le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, au motif que la personne achetant le produit ne peut avoir de lien avec le demandeur (en l’espèce, c’était un avocat stagiaire du cabinet d’avocat représentant les intérêts du demandeur qui avait procédé à l’achat).
Par conséquent, pour des raisons de prudence, nous pensons que le tiers acquéreur ne doit avoir aucun lien avec le requérant. Il ne saurait non plus être un clerc de l’étude, puisque celui-ci serait une « prolongation » de l’huissier de Justice.

Où et comment le constat d’achat peut-il avoir lieu ?

Lors d’un constat d’achat, l’huissier de Justice constate au préalable qu’un tiers entre, les mains vides, dans le lieu où l’objet est mis en vente. Il assiste depuis la voie publique, idéalement, à l’acte d’achat et constate à la sortie que le tiers possède un objet, et détient un ticket de caisse (et, c’est préférable, une facture). Ces pièces sont photographiées, et éventuellement placées sous scellés par l’huissier de Justice. Il peut s’agit d’un « scellé ouvert » (l’objet placé sous scellé est accessible, il peut être manipulé sans avoir à endommager le scellé), voire, si l’achat est une donnée numérique (acquise sur internet en téléchargement), être un scellé électronique.
Notre étude est habituée en effet à procéder à placer des scellés de toutes natures : du traditionnel cachet de cire, au certificat de signature électronique PKCS (Public Key Cryptographic Standards) en passant par les pochette plastifiées inviolables, les plombs…
Pour en revenir au lieu du constat, il est à noter que la jurisprudence interdit à l’huissier de Justice de pénétrer dans le magasin (La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 29 janvier 2010 a fait annuler un constat d’achat au motif qu’un tel constat ne pouvait s’effectuer que de la voie publique et non dans un magasin et « quand bien même ce magasin est-il largement ouvert au public comme le fait valoir l’appelante, il demeure qu’il s’agit d’un lieu privé dans lequel l’huissier ne pouvait s’introduire à l’insu de la société Carrefour, sans y avoir été préalablement autorisé par le Président du Tribunal de Grande Instance ou son délégué »).
En revanche, un constat d’achat dans un magasin d’un centre commercial reste possible si la galerie commerçante est ouverte au public. Il s’agit en effet d’un lieu privé ouvert au public, ne nécessitant pas l’accord du gestionnaire du centre commercial, le constat n’étant pas dirigé contre lui.

Le cas spécial du constat d’achat sur Internet :

 Pour ce type de constat, nous utilisons trois solutions :
– L’achat par un tiers : l’huissier de Justice constate en temps réel l’achat effectué par un tiers répondant aux mêmes exigences. Ce constat doit répondre aux conditions de tout constat sur internet
– L’ordonnance autorisant l’huissier de Justice à effectuer le constat sans se présenter : le magistrat autorise expressément l’huissier de Justice à procéder à l’achat sans se présenter.
– L’achat réalisé par l’huissier de Justice, se présentant et exposant sa mission : dans la pratique, dans l’adresse de livraison, l’huissier de Justice indiquera sa qualité, son adresse, et précisera dans la zone « commentaires » que cet achat est réalisé dans le cadre d’un constat. Cette mention doit avoir lieu avant le paiement.

A noter :
Une partie des commentateurs déclare que l’acte d’achat ne peut en aucun cas être effectué par l’Huissier de Justice, même s’il se présente clairement et décline l’objet de sa mission. Cette analyse est fondée sur le fait que le site Internet est automatisé et que l’automate n’est pas en mesure de reconnaître un huissier de Justice d’un internaute lambda.
Cette analyse nous semble souffrir d’un excès de prudence. Nous considérons en effet qu’un huissier de Justice ne peut acheter lui-même sur Internet un bien à moins de se présenter clairement. C’est d’ailleurs la position de la jurisprudence et c’est ainsi que la Cour d’Appel de Versailles, le 28 avril 2011 (Juris-data : 2011-009652) a invalidé un constat car l’huissier de Justice non autorisé avait procédé à l’achat d’un produit sans s’identifier. A contrario, cette jurisprudence nous laisse supposer que si l’huissier de Justice s’était présenté clairement et avait annoncé l’objet de sa mission, le constat aurait été validé.
Par ailleurs, si l’automate n’est pas en mesure de distinguer un huissier de Justice qui énonce clairement sa qualité et sa mission (voir plus haut), c’est un problème de programmation que l’huissier de justice ne peut présumer.
D’ailleurs, il nous est déjà arrivé, dans le cadre d’un constat d’achat sur internet, et après nous être identifié, et avoir indiqué dans la zone commentaire de la commande l’objet de notre mission, d’être appelé par le service client du site marchand, lequel voulait en savoir plus. Dans ce cas, la loyauté nous oblige à ré-exposer la mission. Pour l’anecdote, dans ce cas précis, le produit a été livré et le constat d’achat a pu être fait.

Le constat d’achat par huissier de Justice permet, s’il est effectué dans les règles de l’art, de matérialiser l’infraction. Il apporte une preuve de la mise en vente de produits qui sont susceptibles de constituer une contrefaçon. Toutefois, pour démontrer le préjudice, des investigations comptables sont nécessaires, et seule la saisie contrefaçon est réellement efficace.

Qu’il s’agisse d’un constat d’achat ou d’une procédure de saisie-contrefaçon, notre étude se tient à votre disposition. Vous pouvez prendre un rendez-vous sur la France entière en cliquant sur le bouton ci dessous :

 

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